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Contre la Police des Mœurs

Le 6 juin 1903 — Assemblée Générale de la Branche française de la Féderation abolitionniste, Paris, France

 

Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi, en quelques phrases brèves, et me bornant seulement à mon role de Secrétaire général, de vous donner un aperçu de travaux de la Branche français de la Fédération abolitionniste depuis notre dernière Assemblée générale.

Sachant trop, puisque je la partage moi-même, avec quelle impatience vous attendez la parole des éloquents orateurs que doivent parler après moi, je me contenterai de vous exposer lad faits, laissat de côté, les questions de principes, sùre que nos idées seront bien mieux défendues par mes éminents collègues que par moi.

Depuis que, au mois de mai dernier, les members de la Féderation abolitionniste se réunissaient pour la dernière fois, la queston de la Réglemnetation de la prostitution et de la police des mœurs a été, à diverses reprises, soulevée au Sénat, à la Chambre, au Conseil municipal de la ville de Paris. Chaque fois que ce douloreux problème s’est à nouveau pose devant la conscience nationale, nous sommes intervenes et avons tàché d’attirer l’attention des pouvoirs public sur l’illégalisté absolue du système.

A la suite de la proposition de M. Léo Meillet demandant à la Chambre, en 1902, lors de la discussion du budget, de supprimer les 14,000 frances alloués à la prison de Saint-Lazare, nous avons demandé à M. Waldeck-Roussea, président du Conseil, qui venait de nommer une Commission chargée au point de vue de l’hygiène d’étudier la question, ky faire entrer, en dehors, des réglementaristes bien connus, quelques aprtisans de la théorie adverse.

C’était de toute équité et nous attendions en pleine quiétde la réponse favorable. Hélas! le ministère Waldeck-Rousseau disparut, fut rempacé par le ministère Combes, sand que nous eussions, obtenu satisfaction.

Si nous avons été étonnés de ce procédé par trop facile d’avoir raison de son adversaire, nous ne nous en sommes pas émus outre mesure, la dite Commission n’ayant pas jusqui’ici donné signe de vie.

Dernièrement, au sujet de l’affaire Forissier, nous avons adressé à M. le Président du Conseil la même demande pour la Commission d’enquête extra-parlementaire qui vient d’être nommé afin d’étudier les moifications à apporter à l’état de choses actuel.

Nous avons également demandé à m. le Président du Conseil municipal de faire entendre par la Commission d’enquête du second bureau des hommes pris en dehors de ceux connus pour être des partisans avérés du système actuel.

Nous espérons cette fois être mieux écoutés. Les scandales de Paris et de Rennes, mettant aux prises avec les agents des mœurs, d’honnêtes jenues filles, de vaillantes ouvrières coupables seulement de réclamer leur droit à une existence moins mauvaise, ont ouvert les yeux aux plus aaveugles; et, à part les hommes intéressés au maintien du système, il n’est pas un républicain digne de ce nom que ose ouvertement défendre la police de mœure et la Réglementation actuelle.

Nous avons voulu également, puisqu’on nous reprochait d’ignorer systématiquement, bien que d’éminents Médecins fussent des nôtres, la question de l’hygiène, prendre part auz travaux de la Société de prophylaxie. L’année dernière, nous sommes allés à Bruxelles au Congrès international. Là nous avons eu la joie d’entendre des médecins, maîtres incontestés de la science modern, réclamer au nom de l’humanité le retour au droit commun et dénoncer la Réglementation comme inutile et illusoire au point de vue sanitaire. Nous avons été fiers que ces Médecins fussent des Français. Ils défendaient à l’étranger le bon renom de la France contre sa propre administration.

A Lyon, grâce à l’appui de la Fédération et de la Ligue des Droits de l’homme Mlle. Machillot, arrêtée injustement et inscrite sure les registres de la prostitution, a pu obtenir gain de cause devant les tribunaux.

Nous avons également, depuis deux ans, organisé des conferences à Paris et en province; partout nos orateurs ont été écoutés avec le plus vif intérêt, et des orders du jour ont été votes sur tout le territoire de France flétrissant le régime de la police des mœurs et en demandant la suppression.

Actuellement encore plus de trente conferences nous sont demandées. Si dans queluest villes nos idées n’ont pas encore été exposées, c’est simplement parce que nos délégués, appelés partout, n’ont pu être partout à la fois.

Les malheureuses victims de la police se sont habituées à voir en nous leurs défenseurs. Nombreuses sont celles qui se sont adressées à nous et pour lesquelles nous avons essayé d’obteinir justice.

Malheuresement, nous n’avons pas toujours pu faire ce que nous aurions voulu. Plus d’une fois il nous est arrive de voir, au moment où nous nous efforcions de leur aider, les pauvres femmed qui s’étaient adressées à ous, reculer, effrayées, devant la menace ou l’intimidation, et ous demander d’arrêter nos démarches.

Dans l’affaire M. . . . , où nous avions affairs à une femme arrêtée injustement, retenue au Dépôt et visitée malgré l’intervention de son mari, nous ne pûmes, faute de moyens, poursuivre l’affaire. Pourtant l’illégalité de cette arrestation availt été aggravée par le fait d’une letter glissée au milieu de la nuit dans la chambre où couchait le fils de Mme M . . . , announçant l’arrestation de cette dernière pour fait de raccolage sure la voie publique.

Le crainte que l’o a d’entrer en conflit avec la police fait toute la force de l’administration. On sait trop, boulevard du Palais, que les malheureux reculeront toujours devant la menace, puisqu’ils n’ignorent pas, hélas! qu’on les menace toujours impunément.

Cependant nous avons, malgré ces échecs inevitables, le droit d’être satisfait des progress accomplish par l’idée.

On a compris qu’il n’y a pas deux justice, qu’il n’y a pas deux libertés, qu’il n’y a pas deux morales; et, de petit groupe que nous étions, nous sommes devenus une puissante phalange.

Comme vous le disait tout à l’heure si bien notre cher Président, notre cause marche; elle est portée par tous cuex qui on au cœur un ideal de justice supérieure comme elle est portée par la jeunesse, toujours dévouée aux noble causes. La Sociéte des Étudiantes republicains a ice son représantant official et de nombreux groupes de jeunes nous ont témoigné une sympathie don’t nous leur sommes reconnaissants.

Après avoir, pendant des années, défendu la cause de la liberté contre l’arbitraire de façon plus théorique que pratique, la Fédération a senti que l’heure decisive de la lute est venue.

Pour les conduire au combat, les members de la Branche française de la Fédération abolitionniste ont demandé à celui qui jadis souffrit, fut emprisonné, pour avoir dévoilé les horreurs de la Réglemenetation et attaqué la police des mœures, de biet vouloir se mettre à leure tête.

Avec la même ardeur, qu’il apportait à la lute il y a trente ans, M. Yves Guyot est rentré dans la mêlée.

Fidèle à son poste, il a retrouvé autour de lui ceux qui, alors déjà, l’avaient soutenu; M. Gustave de Morsier, Le Dr. Fiaux, Louis Comte et bien d’autres. La mort malheureusement avait diminué nos rangs; la piété filale des enfants est venue combler les vides. Francis de Pressensé, que vous allez entendre tout à l’heure, ne fait que succéder à son père dan la belle tâche que celui-ci avait entreprise, et Auguste de Morsier que nous n’avons, à notre grand regret pas le Plaisir d’avoir ici ce soir, continue vaillament avec nous l’œeuvre entreprise par Émilie de Morsier, cette femme courageuse, qui, la première de son sexe, osa en France dénoncer publiquement l’infamie de la police dea mœurs. En tant que femme, en tant qu’épuse, en tant que mère, elle protesta, secoua les indifférentes de leur torpeur et, sous l’influence de ladmirable Joséphine Butler, créa le movement de réprobation actuel.

Dernièrement, le Conseil national des Femmes françaises que compte actuellement plus de trente-huit mille adhérents, demanda à l’unanimité la suppression de la Réglementation de la prostitution envisage par ses members comme une offense à la féminité tout entière.

On a voulu, pour diminuer la portée de nos revendications, nour traiter de sectaires ou d’illuminés; peine inutile.

Ainsi que le disait très justement M. Dolléans dans son beau travail sur la Police des mœurs, “nous ne nous arrêtons pas à de vains rèves, nous luttons pour des droits précis contre des injustices manifestes.

C’est pour détruire ces injustices que nous faisons appel à la bonne volonté de tous.

Que ce soit au nom de la justice, que ce soit au nom de la morale ou au nom de la liberté que de nouveaux adherents nous arrivent, ils sont tous également les bienvenus. Nous ne leur demandons qu’une chose, c’est de nous aider à détruire une institution que est la honte de la France et la negation la plus absolue de la Déclaration des Droits de l’Homme.

 

 

Source: Contre la Police des Mœeurs, Critiques et Rapports (Paris: Edouard Cornély et Cie, 1904), pp. 21-30.